La correspondance entre Hugo et l'égérie féministe s'étalera sur près de trente ans. Ce qui est touchant, c'est non seulement de constater la bienveillance du monument des lettres envers une inconnue désorientée, mais aussi de voir le temps faire son œuvre, et faire évoluer leur relation. La jeune fille malheureuse devient une femme d'action et de conviction.

Si certains biographes supposèrent une liaison entre ces deux âmes fortes, c'est probablement parce qu'on ne prête qu'aux riches, et qu'en matière de séduction, la réputation d'Hugo n'est plus à faire. Aucun indice en ce sens dans ces lettres. Ce qu'on y trouvera, en revanche, c'est surtout une estime mutuelle que les divergences d'opinions n'altèrent pas. Si Louise Michel ne qualifie bientôt plus l'écrivain de « frère » , il restera son « cher maître ».

Devenue institutrice, elle s'engage corps et âme dans la Commune, que Hugo verra comme « une bonne chose mal faite ». Par la suite, depuis sa prison, la militante tente de faire intervenir Hugo en faveur de Théophile Ferré, député de la Commune condamné à mort – en vain, car Hugo estime qu'il a du sang sur les mains. Plus tard, déportée en Nouvelle-Calédonie, Louise Michel, apaisée, raconte son désir de comprendre les tribus canaques ou sollicite son aide pour telle ou telle cause charitable. Sans jamais oublier la générosité manifestée autrefois par le poète à une inconnue. « Permettez-moi d'abuser de votre bonté, comme autrefois où je vous disais toutes mes pensées [...]. Écrivez-moi et envoyez-moi Les Châtiments, c'est le meilleur livre à lire au bruit des flots et du vent de mer. »

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Louise Michel, Lettres à Victor Hugo (1850-1878), Mercure de France, Lettres choisies, préfacées et annotées par Xavière Gauthier, 96 p., 5,9 euros