Les Gymnopédies
Satie n’a jamais permis que l’on entre dans son petit logis à Arcueil. A sa mort, ses amis y trouvèrent deux pianos complètement désaccordés et attachés ensemble avec une grosse corde, remplis de correspondances non ouvertes.
Au milieu de cette misère s’entassait le réservoir de l’élégance, exemplaires accumulés de vêtements et d’accessoires neufs, chaussures, chapeaux, mouchoirs neufs, faux-cols, des costumes de velours gris identiques au sempiternel costume que Satie portait toujours. Ils découvrirent également pas moins de 14 parapluies tous noirs.
L’état du studio révélait la pauvreté, quasi extrême, dans laquelle avait vécu Satie : ne pouvant vivre de ses talents de musicien, le génial artiste ne se plaignait que rarement de sa situation précaire. Il ne sollicitait pratiquement jamais d’aide auprès de ses amis, lui qui était pourtant très bien entouré.
Lorsqu'il touchait un bon cachet ou une avance sur une composition, il s'achetait un parapluie, un mouchoir, une chemise à faux-col, des chaussures (si besoin), une belle pièce de boucherie, un gros Saint Honoré, des cigares, quelques bouteilles d'absinthe et distribuait le reste aux enfants déshérités d'Arcueil, à qui il donnait des cours de solfège tous les dimanches matin à 10H.
C'est comme cela que s'est présenté le créateur solitaire lorsqu'il postule au titre de pianiste du plus fameux cabaret de Montmartre : Le Chat Noir. Satie occupe une place tout à fait à part dans le panthéon musical. Il reste pour toujours l'ami des originaux, des révoltés, des nostalgiques et de tous ceux pour qui la norme est ennuyeuse.
"Bonjour ! Erik Satie, Gymnopédiste"
Les Gymnopédies, comme les gnossiennes sont de la période montmartroise d'Erik Satie mais elles ne furent reconnues par le public qu'à partir de 1910 ; permettant à Satie d'améliorer modestement, très modestement son ordinaire à Arcueil
La magie des Gymnopédies d’Erik Satie provient de leur mystérieuse vibration. Satie invente la musique du silence. Derrière une apparente immobilité, c’est un mouvement d’une grande pureté qui se détache. Impossible d’analyser ces pièces dont la désolation infinie n’a d’égale que leur sublime perfection. Ces pièces ne rencontrèrent aucun écho à leur création. Pour aider son ami à se faire connaître, Debussy orchestrera la première et la troisième. C’est Roland-Manuel qui se chargera de la deuxième. La première représentation des deux versions orchestrales de Debussy eut lieu en février 1897 et les partitions furent publiées en 1898, l'année de l'installation de Satie à Arcueil. Mais elles ne connurent une vraie popularité qu'à partir de 1910, quand la jeune génération de compositeurs et d'interprètes français de l'époque découvrit sa musique.
Les Gymnopédies sont des pièces éthérées, aériennes, vaporeuses, nostalgiques, minimalistes, abstraites, sereines, et mystérieuses, qui inspirent la rêverie mélancolique, parfois considérées comme des précurseurs de l'ambient (ou musique d'ambiance).
C'est Robert Caby, le critique, dessinateur, poète et musicien,
qui parle le mieux d'Erik Satie et de son œuvre.
"...Antiscolastique et anti-académique par nature, l'art très particulier d'Erik Satie est mû par une finesse d'esprit et baigné par un climat moral inséparables de sa qualité esthétique, et qui déterminent précieusement la signification de l'œuvre et le plaisir qu'on y peut prendre. On a souvent dit que ce plaisir était trop riche et trop subtil pour que Satie connaisse la faveur d'un grand public.
Néanmoins, ce musicien pour qui l'essentiel est la richesse des idées musicales et leur animation vraie - véritable platonicien pour qui toute valeur dépend de la simplicité de l'essence - ce compositeur qui ne recule pas devant la concision et la concentration des moyens d'expression, qui refuse le délayage et le développement pour soumettre l'architecture musicale au jeu des rapports vrais dans la juxtaposition et la combinaison des idées, bien loin d'apparaître comme un simple précurseur de Debussy et de Ravel...."
Aujourd'hui avec les droits d'auteur des Gymnopédies, entre autres, Erik Satie compterait parmi les compositeurs les plus riches au monde.
Social Harmony est une installation artistique, menée pendant le Covid, du designer japonais Eisuke Tachikawa qui fonctionne en gardant la bonne distance sociale !
Elle s’inspire d’un des morceaux les plus populaires et les plus appréciés de la musique classique minimaliste, la "Gymnopédie n°1" d’Erik Satie : les participants se tiennent debout sur une grande feuille de musique posée sur le sol et des notes sont jouées au moment où l’on marche dessus.
En respectant les distances sociales et en allant une note à la fois, le public est capable de jouer ensemble la pièce de Satie. Une coordination rigoureuse toute japonaise est cependant nécessaire… L’œuvre a été installée dans le hall d’entrée de la salle Minatomirai de Yokohama pour DESIGNART TOKYO 2020
Erik Satie, inspiration inépuisable des compositeurs de musiques d'ambiance
239 ! C’est le nombre de films et de séries recensés depuis 1948 sur la fameuse Internet movie database (IMDb) dans lesquels la musique d’Érik Satie figure sur la bande originale ! Certes, le "Velvet gentleman" honfleurais demeure loin du champion, Mozart (1 713 occurrences), mais il grappille son retard avec 108 crédits notés depuis 2019. Pourquoi ? À l’instar d’Arthur Honegger, Érik Satie a été l’un des premiers à écrire pour l’écran dans les années 1920. Ses compositions, minimalistes et répétitives, ont ouvert l’ère de la musique d’ameublement et d’ambiance dont usent films et séries,
Erik Satie a été inlassablement repris dans les bandes originales de films, de séries et d'émissions télé de tous genres : le Benny Hill Show (1980), Dancing in the dark (1986), Star Trek (1988), X-files (1995), Apparences (2000), Paris (2008), Hugo Cabret (2011) et même un jeu vidéo, Gran turismo 4 (2004)...
2022 a été une année de reprise pour l’activité musicale, qui s’approche de son niveau pré-pandémie – ce qui est une bonne nouvelle de façon générale, et ce qui rend ces statistiques plus fiables. Les dix compositeurs les plus joués à travers le monde restent relativement stables, avec par ordre décroissant : Mozart, Beethoven, Bach, Brahms, Schubert, Schumann, Ravel, Tchaïkovsky, Richard Strauss et Chopin.
Ravel voit d’ailleurs l’une de ses œuvres arriver en tête des pièces les plus jouées de cette période… mais ce n’est pas celle que l’on pourrait croire : son Boléro s’est fait doubler par La Valse ! Et le compositeur français enchaîne les records, puisque son Concerto pour piano en sol majeur, avec son mouvement lent très populaire, est classé numéro un dans sa catégorie.
Pour autant, la musique classique française parvient à se faire une place parmi les artistes les plus écoutés à l’international. Le Clair de Lune et les Gymnopédies ont leurs adeptes. Ainsi en 2023, les compositeurs Claude Debussy (1862-1918) et Erik Satie (1866-1925) intègrent le top des artistes qui génèrent plus de 10 millions de streams par mois en dehors de la France.
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Satie demeure de loin le musicien qui inspire le plus, Il est systématiquement cité par les nouvelles générations de compositeurs.
Les Gnossiennes et les Gymnopédies sont régulièrement revisitées, dernier exemple en date : Wlliam Rezé, de son nom de scène Thylacine, artiste de musique électronique. En 2020, il compose "Satie 1" - le premier morceau de son nouvel album - qui propose une nouvelle version de la première Gymnopédie d’Erik Satie. Un étonnant mariage entre la musique de Satie et des sonorités électronique.
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Brian Eno (qui a produit plusieurs albums de David Bowie) a été l'un des premiers à revendiquer sa filiation directe avec " l'homme qui avait un petit piano dans la tête" à travers une musique atmosphérique et éthérée. Moderne, le répertoire d'Erik Satie imbibe le rock indépendant du XXIe siècle : en 2009 à San Francisco, Patrick Watson a terminé son concert avec une interprétation étonnante des Gnossiennes n°1.
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Le père du "lo-fi "Outre-Atlantique, le talent du "Satierik" compositeur n'est plus à démontrer. Les Américains lui attribuent les bases du courant "lo-fi" (" low fidelity" par opposition à hi-fi, "high fidelity"), apparu à la fin des années 80.
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Une jeune génération de compositeurs internationaux (Max Richter, Pan American, Julia Kent)
sont déterminés à rendre l'œuvre visionnaire de Satie immortelle.
Avec l'italien Enrico Pieranunzi (considéré par l'académie du jazz
comme l'un des meilleur musicien de jazz européen)
Enrico Pieranunzi en trio se réapproprie la première Gymnopédie, comme un standards
fait sur mesure pour sa formation piano / basse / batterie.